Wednesday, February 8, 2012

La dysplasie fibreuse

Un jeune patient de 11 ans, dorigine bulgare, présente
une tuméfaction de lhémi-maxillaire droit, évoluant
depuis environ 6 ans (fig. 1 et 2). Ce jeune garçon, qui ne
présente par ailleurs aucun antécédent particulier, ne
signale pas de douleur liée à la tuméfaction. La biologie
est normale. Un scanner du massif facial montre une
lésion de lhémi-maxillaire droit, se prolongeant au niveau
des cadres osseux des sinus maxillaires et correspondant
probablement à une dysplasie fibreuse (fig. 3 et 4). Une
biopsie de la masse confirme histologiquement ce diagnostic.
Vu le jeune âge du patient, le caractère bénin de la
tumeur et sa lente évolution, labstention thérapeutique
est proposée, avec une surveillance semestrielle. Un an
plus tard, on constate une évolution importante avec un
doublement de la taille de la lésion, une déviation du centre
inter-incisif et des troubles occlusaux majeurs. Le scanner
avec reconstruction 3D confirme cette évolution avec
un effet de masse modéré au niveau de lorbite.

                      

RÉPONSE

La dysplasie fibreuse ou maladie de Jaffe-Lichtenstein est
une entité clinique décrite pour la première fois en 1891
par von Recklinghausen. Lostitis fibrosa désigne alors une
lésion osseuse au sein de laquelle la médullaire est remplacée
par du tissu fibreux. En 1937, Albright et al. parlent
dostitis fibrosa generalisata pour nommer lassociation
de lacunes osseuses polyostotiques, de troubles endocriniens
sexuels et dune pigmentation cutanée. En 1938,
Lichtenstein définit cette association clinique sous le terme
de « dysplasie fibreuse polyostotique ».
La dysplasie fibreuse est donc une tumeur osseuse (certains
auteurs la considèrent néanmoins comme une affection
d’étiologie malformative), rare (2,5 % des tumeurs
osseuses et 7 % des tumeurs osseuses bénignes) ,
qui se localise préférentiellement au niveau des os longs
(métaphyse et diaphyse), du pelvis, de l’épaule, des os de
la face et du crâne. La lésion de la dysplasie fibreuse consiste
en le remplacement du tissu osseux par du tissu
fibreux .
On distingue 3 types de dysplasie : la forme monostotique,
la plus fréquente (70 %), la forme polyostotique,
plus agressive et le syndrome de McCune et Albright, plus
rare, et qui associe des lésions de dysplasie polyostotique,
des manifestations cutanées (tâches café au lait) et des
désordres endocriniens (puberté précoce, croissance accélérée,
goitre et hyperparathyroïdie) .
Cliniquement on observe des déformations osseuses
parfois responsables dinjures esthétiques ou même de
fractures. Latteinte de la sphère cranio-faciale mérite une
attention particulière en raison de latteinte possible des
structures nobles qui la composent : nerf optique, organe
de laudition, troubles de locclusion, troubles respiratoires
par atteinte des fosses nasales, atteinte de la base du
crâne
Le pronostic des lésions de dysplasie est généralement
bon en raison de la tendance à la stabilisation lors de
larrêt de la croissance osseuse. Il existe un très faible
pourcentage de transformation maligne (0,5 à 4 %) en
ostéosarcome, chondrosarcome ou fibrosarcome, et il
apparaît que 50 % des patients souffrant de transformation
maligne ont reçu une radiothérapie dans le cadre
dun traitement précoce de la dysplasie.
Pour décider du traitement proposé au patient, le praticien
devra évaluer la gravité de la pathologie en tenant
compte des complications possibles (endocriniennes, neurologiques,
traumatologiques), de laspect radiologique
des lésions, de laugmentation des phosphatases alcalines
et de la densité osseuse qui reflète lefficacité dun éventuel
traitement médicamenteux préalable.
Le traitement peut être médical et/ou chirurgical.
Dun point de vue médical, ladministration de biphosphonate
a prouvé son efficacité dans la diminution de
lintensité des douleurs et des marqueurs biochimiques
relatifs au turnover osseux, et une certaine diminution des
sites ostéolytiques à la radiographie (chez 50 % des
patients) . Ce traitement est toutefois peu utilisé
chez les enfants en croissance en raison du peu dexpérience
clinique à ce sujet.
Le traitement chirurgical, quant à lui, sera le plus souvent
conservateur (ostéotomie modelante), savérant
satisfaisant dun point de vue esthétique et suffisant lorsque
les lésions progressent lentement et ne menacent pas
des structures anatomiques importantes. Cest lattitude
thérapeutique la plus largement proposée dans la littérature
pour cette pathologie.
Certains auteurs préconisent cependant des résections
larges, à visée curative, mais responsables de déficits
esthétiques majeurs et pas toujours suivies de rémissions
complètes.
Le patient présenté a bénéficié dune intervention chirurgicale
consistant en une ostéotomie modelante qui sest
avérée très satisfaisante tant du point de vue esthétique
que fonctionnel .

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